Page:Marcel Schwob - Œuvres complètes. Écrits de jeunesse.djvu/115

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— “Si, lui dis-je, mais ils se réunissent par groupes.”

Il poussa un soupir de soulagement, puis il continua doucement : “Je travaille pour l’exportation. J’ai ici des chroniques sur un chapeau crevette à double voilette, une pour la figure, l’autre pour le faux chignon ; une réclame pour un nouveau busc démontable, et un corset à double fond pouvant servir de portefeuille, porte-carte et boîte aux lettres ; un article de fond sur une tournure articulée avec ressort à boudin pour grandir la taille des dames assises ; une étude en faveur d’une excellente invention : des fausses gorges en caoutchouc, qui forment biberon et où l’on peut introduire toutes les préparations remplaçant avantageusement le lait pour la première enfance… Croyez-vous que ce genre réussirait aux Pomotou ?”

Je fis un geste — il m’arrêta. “Vous doutez, Monsieur, me dit-il. Permettez-moi de vous désabuser. Les meilleures années de ma vie sont celles que j’ai passées à Honolulu. La Polynésie consomme vos journaux de modes avec ardeur. J’ai perdu une situation d’or par un malheur digne de commisération.”

“J’avais quitté la province, Monsieur, pour venir faire de la littérature à Paris. Vous devez avoir des manuscrits de moi dans votre panier. Mes œuvres de poésie sont considérables. Elles m’ont coûté un immense travail. Mais les éditeurs m’ont découragé. J’ai alors publié — dans le vide, je dois le dire — une série de travaux sur la parfumerie, la confection et la mode. Je dois à ma conscience de reconnaître que je n’ai jamais recommandé un produit sans l’avoir expérimenté. Mon infortune présente est