gnes étaient arides et pelées — le vent sec et salé — et le soleil brûlait dur. Arrivés à Tarraco, ils avaient subi la honteuse mutilation, sans souffrir. On les avait endormis, on leur avait fait boire une infusion de graines de pavots. Et ceux qui étaient déjà formés devaient servir aux plaisirs des dames romaines.
On les avait embarqués, entassés comme du bétail. Beaucoup étaient restés le long des côtes italiennes, à Popoulonia, à Cosa, ou à Alsion — les autres avaient débarqué à Ostia. Et ils étaient venus à Rome, chez le marchand. Bien vite, les dames romaines les achetèrent. Ils étaient si jolis avec leurs dents blanches et leurs yeux noirs. Et ils parlaient latin avec un petit accent guttural qu’on trouvait charmant. Maintenant ils étaient vidés, usés. La longue robe flottait autour d’eux ; ils grasseyaient d’une voix enrouée comme les filles, abrutis, avachis. Quelquefois, des traînées de soleil leur traversaient la tête. Et ils pensaient alors à la vieille montagne et à ses genêts verts, et à la maison, si loin, si loin. Au lieu de vivre robustement, comme des hommes, comme des montagnards, dans la patrie aride, dans les broussailles sèches de la montagne noire, ils se flétrissaient dans l’ombre des tentures, dans la mollesse des coussins, comme des fleurs sauvages arrachées du sol.
Brusquement, les tambourins sonnèrent, les grelots s’agitèrent. La danse reprenait. — Les femmes riaient en se poussant, se serrant et se tâtant. Des couples fuyaient derrière les colonnes. Le souffle chaud ne montait plus d’en bas. Déjà le vent frais du matin faisait frissonner les étoffes légères. Et les femmes allumées par cette nuit de danse lascive se faisaient porter dans leurs litières.
Tout rentra dans le silence. Le veilleur de nuit