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CRITIQUE LITTÉRAIRE

tandis qu’un paon :

Enfoncera parfois dans les roses suaves
Son petit front étroit comme un serpent huppé ;


d’adorables strophes au Printemps, où il faudrait noter que dans ce vers :

Entendez les oiseaux de mon brûlant gosier.


l’irrégularité de l’image ajoute une beauté, absolument comme dans ce vers de Baudelaire : « Et les urnes d’amour dont vos grands cœurs sont pleins. » Un bon écrivain qui ne serait qu’un bon écrivain aurait comparé le cœur à une urne pleine d’amour et ce gosier du printemps au gosier d’un oiseau. C’est le grand poète seul qui ose remplir le cœur d’urnes et le gosier d’oiseaux. Puis, laissant passer avec regret une admirable pièce sur Venise où

La dogana, le soir, montrant sa boule d’or,
Semble arrêter le temps et prolonger encore
La forme du soleil qui descend dans l’abîme


et tant d’autres parmi celles que j’aime le mieux, j’arrive à la fin du volume à la dernière pièce, sur les héros, les héros, tous les grands hommes du passé qui sont entrés dans la mort avec aisance :

Ainsi que des danseurs sacrés !
Ah ! laissez-moi partir,

s’écrie le poète,

… laissez que je rejoigne
Ce cortège chantant divin,