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CHRONIQUES

55), ces paroles un peu mystérieuses, mais si profondes du Sauveur devenant, dans cette acception nouvelle, un axiome d’esthétique et d’architecture. Quand le sacrifice de la chair et du sang du Christ, le sacrifice de la messe, ne sera plus célébré dans les églises, il n’y aura plus de vie en elles. La liturgie catholique ne fait qu’un avec l’architecture et la sculpture de nos cathédrales, car les unes comme les autres dérivent d’un même symbolisme. On sait qu’il n’y a guère dans les cathédrales de sculpture, si secondaire qu’elle paraisse, qui n’ait sa valeur symbolique. Si, au porche occidental de la cathédrale d’Amiens, la statue du Christ s’élève sur un socle orné de roses, de lis et de vigne, c’est que le Christ a dit : « Je suis la rose de Saron. Je suis le lis de la vallée. Je suis la vigne véritable. »

Si sous ses pieds sont sculptés l’aspic et le basilic, le lion et le dragon, c’est à cause du verset du psaume XC : Inculcabis super aspidem et leonem. À sa gauche, est représenté, dans un petit bas-relief, un homme qui laisse tomber son épée à la vue d’un animal, tandis qu’à côté de lui un oiseau continue de chanter. C’est que « le poltron n’a pas le courage d’une grive », et que ce bas-relief a pour mission de symboliser, en effet, la lâcheté comme opposée au courage, parce qu’il est placé sous la statue qui est toujours (du moins dans les premiers temps) à la gauche de la statue du Christ, la statue de saint Pierre, l’apôtre du courage.

Et ainsi des milliers de figures qui décorent la cathédrale.

Or, les cérémonies du culte participent au même symbolisme. Dans un livre admirable auquel je