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— Eh ! avouez-le donc, murmura doucement Renée en haussant les épaules. La preuve qu’elle le comprit, c’est qu’après votre fuite elle ne s’appuya uniquement que sur moi, me laissant le soin de son existence. Quand je m’installai à ses côtés, Arroukba congédia lord Ellesmoore, et, lorsqu’au moment d’expirer, elle baisa Sabine, âgée de six semaines, je dus lui jurer de vous transmettre les regrets, les paroles déchirantes qu’elle vous adressait en vous confiant sa fille.

Renée se tut et croisa ses bras, en regardant fixement le feu. Duvicquet se rapprocha tout d’un coup et l’enlaçant à moitié :

— Vous parliez de Londres il y a un instant, de Londres où j’arrivais exténué de la Grèce avec Arroukba. Dans mes jours terribles, je vous vois encore telle que vous m’êtes apparue alors, multipliant les démarches aux ambassades pour qu’on oubliât mon rapt, m’installant un atelier, me trouvant des commandes incroyables ; irritante et majestueuse créature que vous étiez toujours, mon Dieu ! — Et quand, à bout d’arguments, pour cette sauvage Arroukba qui poussait la dépravation jusqu’à s’offrir à mon nègre, je vous demandai de me céder une dernière fois ; quand je vous prouvai que c’était me condamner à dépérir que de vous rencontrer à perpétuité dans mon chemin aussi insensible, j’ai pourtant dû fuir, exaspéré de votre froideur. Et, pour me la prouver mieux, vous protégiez, auprès de moi, — non sans un haut dédain, — mon ancienne maîtresse. — Était-ce