Page:Marc de Montifaud Sabine 1882.djvu/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.

30
sabine

de femmes sur lesquelles se bossuait l’étoffe soyeuse. Duvicquet, oubliant qu’aperçu de dos il était grotesque, faisait sautiller les notes en pressant les pédales. Les fils de laiton de l’instrument désharmonisé éraflaient les nerfs des auditrices tendus ainsi que des cordes à violon. Une pensée singulière s’empara de l’artiste, qui eut alors l’idée d’installer Mme de Lupan au piano à sa place. L’enthousiasme monta, inexprimable. Duvicquet, poursuivant son projet, enlaça la belle Arroukba Mohammed, prétextant vouloir lui enseigner un mouvement de valse. Que lui murmura-t-il à l’oreille en l’entraînant vers un cabinet creusé en rotonde, où l’œil des gardiens oublia de les suivre, puisque Arroukba ne tombait pas sous leur surveillance ? Quels accents passèrent dans cet idiome à présent si corrompu, si éloigné de la source classique ? C’eût été promptement découvert si l’on avait vu Arroukba pâlir jusqu’à l’évanouissement en s’appuyant contre l’épaule d’Henri.

Quand il sentit cette puissante matérialité peser entre ses bras ; lorsque après une énergique pression, l’épiderme de la jeune femme devint brûlant, il comprit que c’en était fait d’elle. Les sens opéraient avec leur brutalité naissante dans cette créature ployant à la première caresse virile. Heureusement, la rotonde s’ouvrait assez loin de l’endroit où l’on dansait, et nul ne les vit disparaître derrière une draperie couleur de safran. Le peintre, alors, assit Arroukba sur lui, et, dans le flottant de ses