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qui t’appartint avant moi, c’est que je voulais toucher à tout ce que tu touchais, prendre tout ce qui t’attirait, mettre mes caresses où tes doigts avaient passé et ma tête où ton sein avait battu… Non, je ne t’ai rien volé, ô ma suavité, ô ma tendresse ! C’était inconscient ce mouvement qui m’a toujours emportée où tu allais et qui couchait mon corps au même endroit que le tien… Après moi, sois-en sûre, le baiser vous brûlera encore, car vos lèvres reviendront d’instinct à l’ancienne place…

Et, comme Renée voulait l’interrompre, elle lui murmura une dernière fois, d’un ton étrange et comme si elle reculait l’heure d’expirer :

— Non, je ne croirai jamais que ces soulèvements intérieurs qui m’ont excitée à aimer, qui t’ont portée, toi, à l’illimité du sacrifice, ne soient qu’un des vils effets de la nymphomanie. Va, il y a quelque chose de plus dans ces mouvements qui nous entraînent à nous livrer, qu’un effet de pathologie médicale. Non, je ne croirai jamais que le dévouement, la passion, l’inspiration, la dignité de soi-même aient leur dernier mot et leur explication définitive dans les fureurs abjectes des pâles hystériques ; non, ce n’est pas une duperie que de céder à l’appel des sens, ce n’est pas une aberration que l’honneur, ce n’est pas une lâcheté que le suicide, ce n’est pas une folie, que ce qui aide à mourir pour ce qu’on aime… la patrie, ou l’homme préféré… Mais, au lieu d’en demander l’explication à la science, demandez-la à l’amour que vous niez… et qui vous ramène à lui,