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sabine

— Écoute, tout ne sera absolument perdu que demain à une heure de l’après-midi. Jure-moi d’attendre jusque-là avant de déclarer le désastre.

— Que penses-tu faire ? Que veux-tu dire ?

— Félix et moi croyons pouvoir conjurer l’orage par… certaines démarches.

Il secoua la tête.

— Tu veux gagner du temps ; tu veux qu’une nuit efface le souvenir d’aujourd’hui.

Et il songea immédiatement :

— Oui, c’est cela : une rubrique pour m’empêcher de me tuer… à l’instant.

— Je te jure, lui répliqua-t-elle, devinant sa pensée, et subitement très grave, que je ne m’opposerai à rien demain à une heure… si ce que je vais tenter échoue.

— Mais, au moins, raconte-moi…

— Rien, absolument. Je te demanderai même de ne pas paraître informé de quoi que ce soit devant mon mari.

Elle ajouta en s’efforçant d’affermir sa voix :

— Tu comprends, c’est gênant, quelqu’un qu’on voit supputer à côté de soi la chance ou l’insuccès, et dont la physionomie vous enlève la confiance…

Se laissant aller sur le premier siège qui s’offrit à lui, il demeura là inerte, les membres rigides, attendant sans savoir quoi, ayant presque perdu le souvenir des événements du matin, et se frottant sous l’effet d’un mouvement de bestialité inconsciente à celle qui ne le quittait pas.