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prologue

d’opium, l’avancé d’un bras, la rotule d’un genou, apparaissaient dans un écorché de lumière qui ressemblait à un rayon caressant une frise de marbre. Au bout de la galerie, les losanges d’une tapisserie algérienne empruntaient du haut des piliers la majesté d’un rideau de sanctuaire. Et, sur le sol dallé en mosaïque, parmi les coffres ouverts, gisaient des voiles dont les broderies plantaient des arabesques d’or, qu’on eût dit exécutées comme des sgraffiti, dans l’ingénuité blanche des mousselines.

Un observateur eût cependant constaté, dans toutes ces saillies rondes de l’enveloppe féminine, la massiveté inhérente aux pensionnaires du harem. Contre le fond de stuc blanc, intermêlé de tranches de stuc rosé semblable à des chairs meurtries, quelques carreaux de velours supportaient un torse humain s’élevant en corbeille et rappelant à la mémoire du peintre ces vers de Gautier, publiés récemment :

Nombril, je t’aime, astre du ventre,
Œil blanc dans le marbre sculpté.

À l’un des angles de la pièce, quelques femmes s’agitaient sous un baiser reçu et rendu, pendant que l’eunuque continuait à les frotter d’onguents. Celles-ci attachaient à leurs oreilles des amulettes ou des pierres gravées ; celles-là se coulaient semblables à de jeunes couleuvres dans le jaune violent d’une robe. D’autres, enfin, restaient là, provocantes, près de ces hautains feuillages s’entrelaçant