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Quelle paume enflammée promène-t-on sur… l’impuissance d’un vieillard ?

— Madame, reprenait Léa prête à la croire aliénée, et lui serrant doucement les mains, par pitié, revenez à vous. Il ne peut être impossible à une femme de votre rang de sortir d’une aussi horrible situation sans se vendre.

— Écoutez, poursuivait Mme Raimbaut parcourant la chambre des yeux, sans regarder Léa et sans l’entendre ; écoutez. Mes membres, mon être me deviennent indifférents, parce que je sais bien que la partie de moi-même qu’on violera laissera intact mon amour pour un autre. — Qu’est-ce que ça me fait qu’on tourne et retourne mon corps sur un lit ou un canapé. — L’immatériel, l’abstrait, la volonté, ce qui constitue la vie en un mot, sont et resteront à qui m’a pris. — Allez, quoi que vous croyiez, quoi que vous prétendiez, il y a toujours quelque chose dans la femme, quelque chose qui ne se donne pas, qui échappe. Dans le jour, je n’ai qu’à fermer les yeux ou à me coucher, à penser à lui, et il me semble qu’une musique lointaine m’emplit les oreilles, que le vent soulève mes cheveux, que je ne pèse pas davantage qu’une paille, et que j’avance dans une tiédeur d’air parfumé…

— Oui, répéta l’autre, ça doit être ainsi quand on aime…

Se dégageant doucement de la contrainte des mains de Léa, Sabine continua :

— Vous voyez bien que vous me comprenez !…