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— Ah ! si au lieu d’être à la Chambre vous étiez au théâtre, avec un rien d’ampleur tragique dans la voix, un élargissement du geste, quel succès vous auriez pour votre portrait de l’honnête homme trompé par une indigne — Ça prend toujours une salle, ces choses-là. — Et, quand on pense qu’aucune voix un peu ferme, un peu virile, ne vous ripostera : — Vous parlez de l’honnête homme trompé ! mais sachez donc, brutes que vous êtes, que l’homme trompé est destiné à l’être. La société, logique en cela comme en autre chose, répond à ses doléances : — Et après ? Parce qu’il a plu à un rural de quitter son carré de choux et son pied de laitue, à un négociant le rond de caoutchouc où il s’assied pour courir à la grand’ville épouser une coquette, s’agira-t-il que la société soit sa complice et se constitue son auxiliaire afin de conserver sa femme ? Était-ce à nous de veiller, de rendre ce monsieur sociable, éducable, fashionable et acceptable à sa conjointe ? Parce que, je le répète, il voulait qu’elle restât fidèle, s’ensuit-il qu’on l’aura voulu à la même heure ? C’est trop d’outrecuidance à la fin. Non, à ceux d’entre vous auxquels incombe le malheur qui amène deux époux à occuper les bancs de la correctionnelle, l’opinion publique n’a malheureusement qu’un seul vocable : — « Tant pis pour lui, fallait pas qu’y aille… »

— Oh ! interrompit le député…

— Elle a raison, dit lentement Raimbaut d’un air satisfait, en cessant la patience qu’il était en