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sabine

volante, s’approcha d’Henri adossé à la cheminée, s’assit, et, ramenant la traîne de sa robe près d’elle, lui demanda :

— Eh bien, qu’avez-vous fait aujourd’hui ?

Elle disait vous en certains moments dans le but secret de ne pas conserver l’habitude d’un tutoiement qui, en arrivant à ses lèvres, amenait toujours un frémissement dans la personne de l’artiste, en découvrant à son impatience à peine contenue que le moment ne tarderait pas où elle s’humaniserait, où elle lui permettrait d’user d’elle comme il le voudrait.

À la question de Sabine, il répliqua aussitôt :

— Je n’ai pas quitté la Bourse où j’ai revendu mes Nord avec prime de dix mille francs.

— Enfin ! reprit-elle, quand je disais que vous étiez taillé pour la coulisse aussi bien qu’un autre.

Voyant qu’il s’agissait de nouveau d’échauffer son esprit, et voulant la mettre à point pour lui, il entreprit le récit de ses démarches du matin : les indiscrétions recueillies aux bureaux de journaux concernant les hausses et les baisses attendues pour le lendemain, les émissions officiellement préconisées, les couvertures qu’on lui avait données et l’annonce très sérieuse d’un gain bien autrement supérieur à celui des misérables dix mille francs dont il lui parlait pour la prochaine semaine.

Et, s’interrompant :

— Tu verras, ajouta-t-il en essayant un geste à lui et un claquement de langue ; oui, tu verras.