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être à Léa que devait rester à perpétuité le triomphe d’une pareille propriété ; puisque cette chevelure servait les intérêts d’intrigues amoureuses, pourquoi donc Frissonnette ne s’en parerait-elle pas à son tour ? Est-ce qu’elle n’était pas aussi jolie que la personne qui en disposait et capable d’inspirer les mêmes caprices ? — Caprices d’une minute, assurait Léa, lorsqu’elle se montrait communicative pour sa camériste — soit ; mais pourquoi pareille destinée eût-elle été refusée à Frissonnette ? Peu à peu ses désirs s’accentuaient, elle reprendrait ce qu’elle avait donné ; elle ne possédait que ce lot, cette mince relique : deux immenses boucles de cheveux, capital assez dérisoire ; mais peu lui importait, elle les arracherait à celle qui s’en prévalait. Elle irait où allait l’actrice ; elle serait novice dans les premiers moments ; tant pis, on ne l’en aimerait que mieux. D’ailleurs, quel autre avenir s’offrirait à elle ? Quel homme honnête consentirait à l’épouser, elle qu’on flétrissait enfant ? Si Frissonnette eût raconté cette catastrophe, personne ne l’aurait crue ; pour la fille sans protection, sans profession, est-il d’autre ressource que celle de se vendre ?

D’ailleurs, ce terrible moment du viol qui lui avait servi d’initiation, elle souhaitait le voir renaître ; le souvenir de la douleur atroce causée par cet incident étrange laissait dans sa mémoire des traces d’excitation charnelle qu’il ne lui déplaisait pas d’évoquer. Elle aurait voulu savoir si maintenant,