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cette crainte de l’enfance crédule, superstitieuse ; elle n’osait se permettre un mouvement. Quelqu’un se serait avisé d’entrer, qu’elle eût été très heureuse ; Mme Lebas ayant jugé à propos de descendre en reconduisant l’homme, ne revenait pas ; la chandelle brûlait, figeant de la graisse autour du chandelier sale. La jeune fille, les mains croisées, songeait à un singulier incident qui la préoccupait depuis l’avant-veille : comme elle remontait dans la mansarde où gisait sa mère malade en rapportant des médicaments, un homme de trente à trente-deux ans, qui suivait derrière elle, l’avait interpellée et presque caressée. Elle se rappelait son sourire bizarre, son geste qui l’attirait à lui. Elle le voyait sonner à la porte du troisième, chez Mlle Léa, après lui avoir répété à l’oreille des mots incompréhensibles ; et l’enfant étonnée de ses demi-sourires et de ses attouchements s’était gardée de parler à personne de cet incident. Que pouvait-il lui vouloir ? Que signifiait son regard étrange ? S’il allait se montrer ? Oh ! certainement, elle s’en trouverait heureuse ; chacun l’abandonnait ; lui, paraissait si bon, si affable… un peu drôle, pourtant. Mais les gens bien devaient être tous ainsi. Ah ! il lui aurait fallu un monsieur aussi comme il faut dont elle aurait été la bonne. Cela eût mieux valu que de rester chez une fabricante de perles fausses où l’on s’exténuait. Mais ce monsieur si correct ne courait pas après des domestiques. Il n’en manquait certes pas. Et, dans l’obscurité, se remémorant la scène précédente, elle se