Page:Marc de Montifaud Sabine 1882.djvu/228

Cette page a été validée par deux contributeurs.

222
sabine

tour ; quand tu resterais à jeun, ma pauvre Frissonnette, ça ne te la rendra pas. Faut des forces, si tu veux aller jusqu’au cimetière, pauvre petite ! À treize ans… vrai, c’est trop jeune.

Et elle ajoutait en aparté :

— Heureusement qu’à son âge l’chagrin dure pas longtemps.

L’enfant entendit, et regarda fixement celle qui émettait ce jugement.

Quelques minutes après, la concierge s’étant retirée, Frissonnette rompit le silence :

— Madame Lebas, j’ai un grand service à vous demander.

— Parle, ma fille.

— Je voudrais bien que vous me prêtiez vos grands ciseaux.

— Qué’que tu en veux faire, de mes ciseaux ?

— Madame Lebas, je voudrais… Eh bien, oui… là… je voudrais couper les deux belles boucles de ma pauvre maman, pour les conserver.

Et cette fois les larmes de l’enfant, longtemps contenues, coulèrent de ses yeux fermés, pendant qu’elle tenait son cou raide.

— Bon, bon, ma p’tite, j’vas les chercher ; pleure pas, ma mie, pleure pas, tu les auras.

Mme Lebas sortit pour entrer chez elle prendre l’objet demandé. La jeune fille s’approcha du cadavre, et dénoua les brides du bonnet ; en sorte que le menton cessant d’être soutenu à l’aide de la ligature formée par les minces bandelettes du linge, les