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bâillée, et s’aventura lentement à travers la galerie. Le jet lumineux qu’Henri dirigeait gardait assez de vivacité pour circonvoluer autour des personnages. Le peintre cessait alors de se plonger dans le clair détrempement des teintes fraîches ; il entrait, au contraire, dans l’obscurcissement mystérieux des tons agatisés du passé ; il allait vers ces lumières cuivrées ou rougeâtres, vers ces ombres pourprées qui jaillissaient des figures de reîtres, où le rayon de la lampe allumait dans chaque regard une flamme de convoitise, pendant que, des cuirasses bombées, partait un éclat sourd.

L’œuvre des maîtres anciens a des points de repère dans notre fragile organisme, que les peintres modernes ne posséderont jamais. Soit que nous les examinions sous le coup de la tendresse, ou sous l’impression d’un remords, la virtualité de leurs créations, a le don de nous communiquer le trouble ou l’apaisement. Ils plongent dans nos fibres infinies, secrètes, ils nous enfoncent au cœur une griffe acérée ; ils tiennent dans notre existence une place illimitée, en ce qu’ils répondent tous à ce plus ou à ce moins d’aspiration que nous logeons dans un coin de nous-même. Le peintre qui sort d’auprès d’eux peut défier les autres hommes ses rivaux ou ses envieux. Ses doigts ont touché à ce divin triturement de la forme, ses sens enflammés ont découvert les mystères de l’enfantement artistique, la perception des antiques procédés a traversé les moelles de son cerveau. Au sein de notre époque mathématicienne, ils