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dre, ce regard haineux, en présentant son acolyte, la marquise de Mansoury.

Âme de boue dans un corps de reptile, l’abus des liqueurs fortes plaquait sur le visage de cette femme une couche de vermillon qui la dévorait de son hâle. La lippe de ses lèvres suceuses et odieuses, le menton court et gras divulguaient ses vices, et les cheveux noirs salissaient de leur graisse les tempes, l’oreille et la nuque. Elle s’avançait en boitant, et saluait avec un jeu de chanteuse de café-concert, au bord d’une estrade.

Chose étrange : l’artiste, d’une nervosité si étrange, voisine de l’hallucination, n’entrevit pas grand’chose à travers les deux visiteuses. Il se montra courtois, sourit franchement à une gauloiserie de Jenny Vallon, baisa la main de la marquise, et se lança, au bout de deux heures, dans une de ces causeries d’esthétique chaleureuse où sa personnalité sortait tout d’un bloc, où ses secrets lui étaient soutirés, où ses larmes étaient bues, où ses blessures étaient avivées, où ses rages étaient recueillies. De ses deux auditrices, il savait seulement que Mme Varlon se trouvait veuve, et la marquise séparée de son mari.

Et comme Sabine, à un moment donné, faisait irruption dans l’atelier :

— Je vous présente ma fille adoptive, Madame la marquise, avait-il murmuré de ce ton faussement railleur, où l’on sentait percer un triomphant orgueil.