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nous, la police ne puisse être autre chose qu’une sorte de sous-fatalité destinée à faire naître les événements qui ne marchent pas à notre gré. Mais cependant il est indubitable qu’à nous autres, qui avons pour but de nous emparer de la tête et du cœur de la nation, on ne doit point cacher la moindre stratégie ; car si nous ignorons la nature du rouage qui accélère le jeu de la machine administrative, nous risquons fort d’être écrasés par elle…

— Monsieur, interrompit Carlamasse, si vous êtes complices, vous ne pouvez plus être acteurs ; car jamais vous ne mettrez à vos fronts le pli d’indifférence nécessaire au contact des instruments que, sans vous en douter, moi, fonctionnaire de la police, j’installe à vos côtés. Il faut — pardonnez-moi ce mot, Monsieur le secrétaire — que vous soyez les premiers gobeurs, les gobeurs volontaires de la comédie politique que j’organise dans vos maisons.

Le jeune homme hocha la tête.

— Les gouvernants, dit-il, les gouvernants ne peuvent et ne doivent former qu’un avec la police ; grâce à la police, il vous est possible de vitrifier une destinée, de souffler dedans comme un souffleur dans le verre, et de lui donner toutes les apparences que vous désirez qu’elle ait ; d’un coupable vous faites un innocent, et réciproquement. La police a l’immense pouvoir de substituer un individu à un autre, de réaliser du transformisme à volonté, moins les milliards de siècles nécessaires au parachèvement d’un être. Elle est celui qui est : l’omni-