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X


La rue de la Chaussée-d’Antin était silencieuse ; dans la chambre de celui que la France annonçait vouloir se choisir pour maître, cinq ou six bougies achevaient de se consumer ; on devinait que les meubles devaient avoir été violemment dérangés avant le départ du dictateur. Quelques papiers froissés gisaient au milieu du tapis : journaux illustrés, caricatures sanglantes annotées fébrilement au crayon bleu et rouge, par le sieur Dumangoin, attaché aux antichambres du Palais-Bourbon, et cousin de Barras, étalaient leurs crêtes menaçantes ; l’une de ces charges, signée : « Alfred le Petit », représentait le président de la Chambre levant la jambe et lâchant sur son programme de Belleville un gaz parti du centre de son individu. Jamais le coup de crayon du terrible Juvénal de la charge moderne n’avait traduit d’un trait aussi virulent notre rage froide à tous ; jamais on n’avait mieux mordu en pleine viande le masque empâté du fils du marchand de Cahors, de celui auquel devenait plus que jamais applicable l’ancien proverbe : « Que dans le pays des aveugles les borgnes sont rois. » À la façon dont la barre