de sa canne. Mme Mégissier me regardait d’un drôle d’air et ne put s’empêcher de me répondre :
— On nous avait bien dit que vous étiez originale !
Je crus devoir relever le trait qu’elle me décochait par ce mot originale, et je lui repartis tranquillement :
— Mon Dieu, Madame, je n’ai pas été de ces jeunes filles qui écoutent aux portes pour savoir ce que l’on veut qu’elles ignorent ; ce que j’ai appris, c’est parce que je l’ai deviné ; mon caractère a toujours répugné à ces petites manœuvres des petites bourgeoises qui s’exercent à baisser les yeux et à paraître ignorer ce qu’elles savent. Je ne vois donc pas pourquoi, ayant franchi un cercle à la suite du mariage, je feindrais une ignorance qui n’est pas dans mes cordes.
— Et vous avez raison, m’a répondu M. Mégissier, en imposant d’un geste silence à sa femme ; vous êtes assez belle pour vous passer de mentir.
On s’empressa alors de parler des élections, et deux minutes après nous remontions en voiture.
— Je vous en prie, ma chère, m’a répété nerveusement mon mari, devant les personnes que nous fréquenterons, ne vous donnez pas l’apparence de tout connaître.
— Alors, faut-il que je joue avec ma chaîne de montre, que je regarde mes pieds, et que j’aie l’air d’une petite niaise ?
— Ayez l’air de ce que vous voudrez, pourvu que vous ne paraissiez pas instruite de trop de choses. Si