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mour, ce doit être un océan de volupté ou de crime ; qu’on aime un scélérat comme Botwell, un musicien comme Rizzo, un conspirateur comme La Mole ou Coconnas, un fat comme le comte d’Essex, j’admettais tout en matière amoureuse, pourvu qu’on n’allât pas d’un grand seigneur comme l’Almaviva de Beaumarchais, au colonel de garde nationale de Scribe. Cela, par exemple, me paraissait obligatoire.

Imagine-toi aussi que pour rompre un peu la monotonie de notre terre-à-terre provincial, j’avais proposé à mon mari de l’appeler Don Inigo. — Don Inigo ? ça faisait bien pour s’interpeller d’un bout du jardin à l’autre, — mais non ; il n’a pas mordu à mon idée, il tient à son prénom de Félix. — C’est dommage ; ça aurait donné de la grandeur, comme un reflet épique à ce bout d’écharpe municipale qui nous chatouille encore le front. Que veux-tu ? j’ai essayé de cinquante manières de tromper ma curiosité non assouvie, en inventant des distractions qui sentaient leur princesse maure d’une lieue. — Ah ! c’était vraiment la peine !

J’oubliais de te raconter que nous avons reçu et rendu quelques visites ; la dernière, à Mme la notairesse, brave et digne personne à laquelle on commençait, lorsque nous sommes entrés, la lecture du journal.

— Écoutez, écoutez ! a déclaré le notaire, M. Mégissier, après les premières banalités d’usage ; c’est encore un scandale qu’une de vos Parisiennes a causé.

Et, sans attendre un mot de réponse, il lut le