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sabine

Quant à nos chasses, je n’ai pas encore tiré le moindre coup de fusil. En fait de gibier, du reste, je te rappellerai qu’il vient chaque année un lapin dans la garenne du voisin. Nous nous abstenons de le tuer, mais enfin nous avons cette consolation de nous répéter que, si nous le voulions, nous le pourrions.

Je t’entends d’ici t’écrier : « — Assez de vaines paroles qu’attends-tu pour me raconter la vérité ? » Eh oui, je sais que je parle d’autre chose que de ce que tu voudrais savoir. Mais, au bout du compte, tu m’as amenée à contracter un mariage de raison — par conséquent, je ne peux t’envoyer une tirade sur l’amour ainsi que le pratique généralement une jeune mariée bien apprise, dans la première quizaine de l’ensommeillement conjugal.

J’ai longtemps cru que si l’on désirait le connaître, il ne s’agissait que de s’incorporer dans un proverbe de Musset, de se le répéter le matin en se coiffant, et de le répéter pour de bon en sortant de table. — Non, ce n’était pas encore ça. — J’ai du sang d’anémique, ou pour mieux parler je n’en ai pas. Or, vois-tu, j’ai grand’peur que l’amour aussi soit une anémie ; mais de même qu’on vit en se passant de sang, de même on peut vivre en se passant d’amour.

Donc, je n’ai personne à supplanter dans l’esprit de mon mari ; et, si je ne chante pas comme dans les Dragons de Villars :

« Bonheur charmant, Sylvain m’a dit : je t’aime… »


il me l’a prouvé, ce qui vaut mieux. J’ai un sin-