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La bonhomie de la parole, jouant sur les charnières de la banalité, dévoilait une âme qui notait susceptible d’aucun frisson, comme lorsque les mots passent au ras de l’esprit, et vibrent d’autant mieux ; aussi la phrase qu’elle prononçait n’avait-elle aucune ossature, aucun linéament ; sa poignée de main s’offrait à chaque conviction, sa virtualité de pensée restait toujours égale, pareille à une épître didactique ; de même que la rondeur de son geste demeurait sans caractère.

La citoyenne Barras ressentait pour la religion du bon ton un culte ou plutôt une de ces rages équivalant au mépris qu’elle en avait montré pendant près de trente ans. Cette bourgeoise savait que le tact de l’éducation peut quelquefois remplacer la race que l’on n’a pas. Elle l’affectait d’autant mieux que la grâce osée des manières n’appartient encore qu’à ces patriciennes qui savent placer les moindres détails de la vie sous leur joug, et se montrer justicières du préjugé au lieu d’en être justiciables. Il y a dans l’allure et l’autorité des hautes manières quelque chose que les manieuses de sous d’aujourd’hui ne peuvent prendre parce qu’elles n’ont rien eu à sauver du temps. En conséquence, Mme Barras s’efforçait de sceller de la pierre des convenances les échappées du vieil esprit français. Elle s’appliquait à mettre ses idées à l’empois du patriotisme, comme pour les obliger à sortir plus roides. Dans sa conversation, faite de ses vieux fonds de tiroirs classiques, elle enfilait de bons