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mon habit ne fût perdu. Naturellement je courus chez Devyl, blessé aussi, grièvement, et qu’on venait de transporter à l’hôpital. — Mais, lui dis-je, pourquoi forges-tu des drames intitulés Rafaelo ? — Cet homme à qui alors il fallait donner le vase pour… p… et qui écrivait Rafaelo ! A-t-on idée d’une folie pareille ?… Des blagues, je vous dis.

Il reprenait dans une belle note basse :

— Delacroix, Homère, Rafaelo, la couleur ?… des blagues ! — La couleur ou le réalisme ? c’est la fameuse tache d’encre que je plaquais à dessein sur mon épaule pour cacher la déchirure du drap. — La voilà la couleur !

Au moment où le publiciste, subissant l’attraction de cette pointe de gaieté noire, allait entrer, l’homme qui venait de parler ainsi se montra au seuil. Il portait dans une encolure de taureau une tête au front creusé, raviné, altier, qui révélait ses quatorze quartiers de paysannerie. De taille moyenne, à large poitrine, solide, carré de stature, bien d’aplomb, regardant droit, secouant son épaule, plissant dédaigneusement sa lèvre ou ramenant au-dessus de ses yeux une barre de sourcils touffus, il personnifiait ainsi la représaille sans merci et ses doigts fibreux remuaient comme des spatules, à mesure que l’idée s’emmagasinait dans le discours. Le jeune homme étouffa une exclamation en reconnaissant l’un des chefs des fédérés de 1870, ramené à la suite de l’amnistie, et qui, s’il se trouvait là, prouvait par son attitude hautainement séparatiste qu’il n’avait