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sabine

jour même de mon arrivée, le hasard m’englobe dans un cortège lugubre : une file de voitures mornes. Je me crois, décemment, obligé de prendre mon chapeau à la main, comme si je suivais un enterrement civil. Pas du tout ! c’était un mariage. Ça me ragaillardit. Mais, dans le même moment, une troupe arrive, musique en tête, chantant un air à peu près comme celui-ci : — La illah il Allah ! ou, Mohammed Ressoul Allah ! — Je me dis : à la bonne heure ! ce sont de braves villageois qui n’attendent pas leur arrivée au point de réunion pour ouvrir le bal ! Et me voilà criant à tue-tête : La illah il Allah ! Mohammeh Ressoul Allah ! — Au bout d’un instant, j’étais complètement turquifié ; je gambadais comme un vrai bamboula. Tout à coup, à la tête du cortège, j’aperçois des hommes qui font danser à qui mieux mieux un coffre étroit et long, couvert d’un châle rouge qui devait au besoin servir de couvre-pied les jours ordinaires. — Naturellement, le refrain ne discontinuait pas. Or, cet objet se trouvait être une bière qui bondissait gaiement sur les épaules de ses porteurs, et cette bière contenait un défunt qu’on allait enterrer avec un entrain de diable-au-corps.

— C’est exact, répliqua la comtesse. Seulement vous n’avez rencontré là que les mœurs populaires.

— Je le crois fichtre bien ! mais pensez-vous que ce soit préférable dans les classes riches, par exemple ? Perdre quelqu’un, mazette ! ce n’est pas une petite affaire, si l’on veut le pleurer dans les rites