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Au mur, M. Jojo avait disposé des cartes postales où se voyaient des femmes nues, car il se piquait d’esthétique et de goùt… Par la fenêtre, on n’apercevait que des murs noirs, des croisées mal éclairées aux vitres sales, aux rideaux en loques.

Beau-Môme s’assit au bord du lit, alluma une cigarette. Mémaine enlevait sa blouse blanche, la suspendait au porte-manteau.

Debout devant la glace, elle retira lentement ses peignes de celluloïd. Ses superbes cheveux blond-roux croulèrent sur ses blanches épaules. Dans le geste qu’elle fit pour les tordre et les fixer sur sa nuque, ses beaux bras relevés découvrirent les mousses nichées au creux de ses aisselles.

M. Jojo bondit, y colla ses lèvres, se grisa, s’étourdit de l’exquise et fauve âcreté de leur parfum ; puis remonta, parcourut de baisers ses épaules, ses seins fermes et droits Elle riait.

— Ah ! cesse, Môme, tu m’chatouilles…

Mais il la serrait, la respirait, buvait son odeur énervante et chaude de repasseuse.

— Ah ! c’que j’taime, gosse, j’te mangerais…

Elle laissa tomber son jupon, s’allongea sur le lit, frotta des deux mains ses hanches, son ventre, ses cuisses, joyeuse de se sentir forte, ardente et nue…

Lui se dévêtait avec soin, délaçait ses bottines. Mémaine enleva sa chemise, la lança dans la chambre, étira son corps voluptueux, soupirante et toute vibrante, les seins gonflés, les cuisses élargies…

Elle dit, la voix changée, rauque, passionnée :

— Ah ! magne-toi, môme, mon p’tit homme, viens quoi !… Ah ! c’que je suis amoureuse, c’soir…


ii


Neuf heures sonnaient, M. Jojo sortit de son hôtel. S’étant offert au premier bar un café crème, il s’en fut d’un pas léger, la cigarette aux lèvres, paisible, content de soi.

Il descendit les rues de Bagnolet et de Charonne. Là grouillait, affairée, une foule d’humble condition. Entre les petites charrettes des quatre saisons, autour des étalages de la tripière, de la fruitière, du charcutier, les ménagères, mal peignées, promenaient leur jupon, leurs savates, leur filet bourré de provisions, coudoyaient le livreur, le garçon charbonnier, l’employé du gaz, l’encaisseur de chez Dufavel.

Par la rue des Boulets M. Jojo coupa le boulevard Vol-