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de-vie pour les dames, les jeunes gens s’en allèrent fort satisfaits.

— Hein, c’est-i’ que j’ les connais, les bons coins ?… fit M. Jojo d’un air supérieur.

Il désirait des louanges, les obtint avec plaisir. C’est au seul cuisinier qu’en réalité elles revenaient. Ainsi nombre de gens, dans les mérites d’autrui, se taillent habilement un petit mérite… Il pouvait être deux heures et demie, trois heures. Un soleil ardent torréfiait les maigres herbages au talus des fortifs, rehaussait de lumière le paysage sordide de la zone, les jardinets, les masures, les tas de détritus et de ferraille, les gravats, et les plâtras… Sur un étroit boulevard vaguement parallèle aux fortifications, se tient le marché aux puces de Montreuil. D’innombrables petits étalages disposés à même le sol, offrent à l’indifférence de la foule, d’étranges, d’inimaginables marchandises : antiques défroques, ribouis éculés, outils, ustensiles de toute nature, cassés, mangés de rouille ou couverts de poussière et de crasse, vaisselle, armes, bouquins dépenaillés, meubles navrants de laideur.

Parfois, rarement se rencontre un bibelot gracieux, venu on ne sait d’où, égaré dans ce triste bric à brac à la suite de quelles débâcles, de quels naufrages…

Le public qui se presse « aux puces » de Montreuil est plutôt de fâcheuse mine. C’est en général un assez sale populo. On y remarque fréquemment de ces gueules qui semblent destinées à illustrer en première page des journaux d’atroces récits de viol de fillettes, ou d’assassinats de vieilles femmes…

M. Jojo, Charlot et leurs amies traversèrent lentement cette tourbe, gagnèrent Montreuil, Saint-Mandé et le bois de Vincennes, où, par les clairs dimanches d’été, afflue, tumultueuse et joyeuse, la multitude parisienne avec ses mioches turbulents, ses paniers de victuailles et ses litres de vin. Ils se promenèrent correctement, tels des gens comme il faut, par les allées ensoleillées, pleines de rires et de jeux. Doué d’un heureux caractère, aisément satisfait de son lot, Charlot exprimait son naïf contentement :

— Une bonne journée, hein ? y a pas à s’ plaindre. Un temps merveilleux, un fin gueul’ton, une chic balade… Moi, ça m’ plaît, je suis pour les petites parties tranquilles, entre soi…

Bonne journée en effet, belle journée ; mais pourquoi faut-il que tant de belles journées, commencées sous les plus favorables auspices, finissent assez mal parfois ?…

Vers le soir, ils regagnèrent la porte de Vincennes, prirent l’apéritif et dînèrent chez un marchand de vin, puis ils passèrent la soirée dans un cinéma près de la Nation. Ils en