Page:Marc Olanet Beau Mome 1925.djvu/60

Cette page n’a pas encore été corrigée
— 58 —

Il fit quelques pas, attentif à ne rien heurter, ouvrit avec circonspection la porte vitrée du couloir, chercha à tâtons le commutateur électrique. Le couloir éclairé, il se sentit plus à l’aise et plus encore lorsqu’il eut inspecté les diverses pièces et fut bien sûr qu’il n’y avait personne. Alors, une activité fiévreuse l’anima.

Ayant soigneusement clos les doubles rideaux de la chambre, il fouilla avec frénésie la belle armoire acajou et bronzes où s’empilaient avec symétrie, imprégnés de suaves parfums les chemises, cache-corsets et combinaisons de Mme Cormelier. Il y découvrit un vieux portefeuille de cuir fort râpé contenant un millier de francs en billets de banque et un coffret de marqueterie recélant quelques pièces d’or et d’argent et des bijoux démodés. Il logea le portefeuille dans la poche intérieure de son veston, enveloppa dans un mouchoir l’or et les bijoux.

— C’est déjà pas mal, fit-il, voyons p’us loin…

Il passa dans une seconde chambre qui était celle de Mme Rognon, une chambre provinciale au mobilier vieillot. Précipitamment il bouscula le linge de l’armoire, bouleversa les tiroirs de la commode, pleins d’inutiles vieilleries. Quelques centaines de francs, les petites économies de la vieille dame passèrent dans ses mains avides, avec quelques menus bibelots dont il espéra tirer quelque argent. Dans la salle à manger de chêne ciré, que décoraient des faïences, des cuivres et des gravures anglaises, il recueillit la modeste argenterie : des couverts, des salières, des coquetiers, des ronds de serviette, une pince à sucre et une tasse à café, à laquelle Mme Rognon tenait extrêmement. Dans le salon, il choisit une antique boîte à poudre en vermeil, orgueil de Mme Cormelier, un petit Bouddha de bronze et deux médaillons en cuivre doré contenant les portraits en miniature de jeunes dames vêtues et coiffées à la mode de dix-huit cent soixante.

— J’ vois p’us rien à étouffer, murmura-t-il, en observant autour de lui. Bah ! j’ai pas à m’ plaindre, c’est gentil pour un début, j’aurai pas à m’en faire pendant quéq’ temps… Demain matin, je cavale vivement chez le père Schelinder et je lave tout ça : une fois débarrassé des bibelots et le pèze caré, j’ m’en fous, j’ suis tranquille. Des fois que j’ soye ramassé — on sait jamais — j’ai rien sur moi, y a rien dans ma carrée, personne m’a vu ; pour me chauffer i’s ont du r’tard…

Il revint dans la salle à manger, tassa dans ses poches une partie de son butin, fit du reste un petit paquet qu’il ficela dans un journal. Puis il tira du buffet une boîte de fer-blanc renfermant des biscuits et un pot de confitures entamé, une