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Il se tira du lit, passa son pantalon, s’approcha d’un miroir accroché au mur.

— Ce que j’ suis moche, j’ai salement besoin de me fair’ raser… J’ai mal aux ch’veux, la gueul’ de bois, ça va pas…

Il demeura pensif un moment.

— J’étais noir hier soir ; j’ai fait des con’ries… C’ qui m’épate, c’est que j’ soye pas déjà fait…

Sous sa fine moustache, sa lèvre supérieure était légèrement tuméfée.

— Il était costaud, l’ mec, murmura-t-il, j’ai pris des j’tons, mais j’i en ai mis aussi… Ça fait rien, le voilà calmé pour quéq’ jours…

Il ouvrit la fenêtre, jeta dans la rue un regard attentif, ne découvrit rien de suspect.

— Je m’ frusque en vitesse, et j’ décarre, fit-il.

« À moins qu’i soyent à la porte pour m’agrafer, pour aujourd’hui, j’ suis tranquille, i’ m’ r’verront pas dans l’ quartier… C’est peut-être mon dernier jour de bon, faut qu’ j’en profite…

Il fit sa toilette en quelques instants. Nerveux et mal à l’aise, tressaillant au moindre pas dans l’escalier, il avait hâte de sortir. L’air frais du matin, les bruits de la rue chassèrent de son esprit les nocturnes fantômes, lui rendirent pour un moment quelque quiétude.

Il entra chez un coiffeur, se fit raser, s’offrit le luxe d’une friction. Durant que le merlan le savonnait, il avait déployé le Petit Parisien, en parcourait les colonnes. Il n’y était pas question encore de son affaire. Il sortit de chez le barbier, dispos et parfumé, se dirigea vers la rue de Charenton dans le dessein de passer la journée auprès de son amie Georgette. Mais comme il entrait dans l’hôtel où jusqu’à ce jour l’hospitalière fille avait eu ses pénates, la porte vitrée du bureau s’ouvrit et la tenancière du lieu l’interpella avec un hypocrite sourire.

— Pst, jeune homme, c’est sans doute chez Mme Georgette que vous montez, ben, c’est inutile de vous donner la peine, elle n’habite plus ici, voilà trois jours qu’elle est partie sans laisser d’adresse…

M. Jojo ne manifesta point de surprise ; il ne chercha point à démêler les raisons obscures de cet événement imprévu, il haussa les épaules, dit qu’il s’en foutait, fit demi-tour. Il déjeuna chez un marchand de vin, parmi des cochers de fiacre et des ouvriers discuteurs. Son repas achevé, il sortit, fit quelques pas, indécis quant à la direction qu’il prendrait. Il songea qu’il allait passer un après-midi triste et vide et