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pas libre, j’ai quelqu’un… à qui je tiens beaucoup… Vous avez même tort de m’attendre et de me suivre comme ça ; mon ami est jaloux, ça finira par faire des histoires ! ! !…

Il eut un geste indifférent.

— Je n’ai peur d’ personne… Pour vous, réfléchissez donc à ce que j’vous ai dit, je vous cause sérieusement…

— C’est tout réfléchi, trancha-t-elle, je regrette, mais vous perdez vot’ temps… il n’y a rien à faire…

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Son linge livré, Mémaine s’en revenait sans hâte, son panier vide au bras, lorsque d’un bar, une voix familière la héla. Elle entra dans l’établissement où, accoudé au zinc du comptoir, M. Jojo discutait avec un copain. Deux amourettes emplissaient les verres de leur lait verdâtre. M. Jojo embrassa son amie ; le copain qui savait les usages, s’inclina avec un sourire agréable et souleva sa casquette à damier. C’était un jeune homme efflanqué, au visage asymétrique et chafouin troué de petits yeux extrêmement mobiles. On l’appelait Nénesse ou plus communément Ouistiti et son bagout, la diversité et l’éclat de ses talents illustraient la valeureuse corporation des camelots.

— Ben quoi, Mémaine, dit Beau-Môme, on s’balade ?…

— Pens’-tu, je reviens d’ livrer chez des clientes… C’est pas souvent, moi, que j’ai l’temps de m’ balader… S’il vous plaît patron, un Byrrh-cassis…

Par crainte d’importuner ou peut-être, parce que de personnelles affaires l’appelaient autre part, M. Ouistiti vida son verre, boutonna son paletot sur son torse malingre…

— J’les mets, à r’ voir vieux, ont se r’verra un d’ ces jours… Madame…

Les deux amants demeurés seuls, M. Jojo toucha de son verre le verre de Mémaine…

— À la tienne…

Ils burent, puis la jeune femme leva les yeux vers l’horloge du bar.

— Cinq heures, faut que je m’ trotte… Encore deux heures à gratter. Tu viens prendre c’ soir, môme…

— Bien sûr…

Elle souriait à une secrète pensée ; il questionna soupçonneux :

— T’as envie d’ rigoler… à quoi qu’  tu penses ?…

— Oh ! à rien d’ conséquent…

Et d’un ton léger avec une certaine ironie.

— Je pensais qu’ si tu m’aurais rencontrée une demi-heure p’ us tôt t’aurais fait la connaissance d’mon amoureux…