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collait ses lèvres. Elle cachait son visage, honteuse, alors, il se souleva, souffla la lampe et dans l’ombre, il défaisait, dénouait les agrafes et cordons que ses doigts rencontraient, il continua de la déshabiller à tâtons. Quand ce fut fait, il se dévêtit lui-même en un tour de main, jeta ses effets sur la vieille malle, s’allongea dans l’étroit lit de fer près de l’adolescente, enlaça, caressa le jeune corps nu sous la chemise de grosse toile. Soudain, elle poussa un cri aigu, déchirant, à la première blessure du mâle au plus intime de sa chair. Elle se tut tout aussitôt, consternée à l’idée d’avoir peut-être éveillé ses voisines, les bonnes logées dans les chambres du septième. Elle suppliait :

— Assez, arrêtez, laissez-moi, vous me faites mal…

Mais il ne la lâchait pas, la possédait, la violait, enivré d’une volupté cruelle à la sentir souffrir sous son étreinte. Lorsque ce fut fini, elle sembla s’effondrer en une longue crise de larmes. Peu accessible à l’émotion, il ne trouvait en guise de consolation que d’ironiques blagues.

— Allons, pleure pas, quoi ! ce n’est rien qu’ ça… Tu vois qu’ c’est pas une bien grande affaire… Toutes les filles en passent par là un jour où l’autre…

Dans le cours de la nuit, il la reprit plusieurs fois ; elle se prêta à ses désirs, docile et douloureuse.

Comme la pâle clarté du matin entrait par la lucarne dans la mansarde, M. Jojo se glissa hors du lit, s’habilla en silence. Lucette dormait, écrasée de lassitude, les reins meurtris. Prêt à partir, Beau-Môme entr’ouvrit la porte, prêta l’oreille. Tout était encore calme ; il se coula dans le couloir. Dans l’escalier, les porteuses de pain et les crémières avaient déjà déposé à la porte des cuisines les carafes de lait, les longs et minces pains de fantaisie tout chauds sous leur croûte dorée…

Au palier du troisième étage, M. Jojo prit un pain, en cassa la moitié, la mit dans sa poche, songeant à son petit déjeuner.

Et riant tout seul de cet aimable tour, il s’en alla d’un pas léger.


vi


Au seuil de la boutique d’où elle sortait chargée d’un lourd panier de linge qu’elle allait livrer, Mémaine jeta un regard dans la rue des Pyrénées.

— Il est encore là, c’ poireau-là… murmura-t-elle en haussant les épaules. À quelque distance, une masculine silhouette s’érigeait sur le trottoir à la porte d’un marchand de vin.