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monstrueuses, pampas où cheminaient des troupeaux innombrables, fleuves immenses, cataractes, estuaires, rades abritant des escadres, cités aux antiques et grandioses architectures, palais, temples, prétoires, casernes, citadelles, quais, marchés, squares, avenues où se pressaient des foules tumultueuses.

À la faveur de l’ombre, M. Jojo avait pris la main de Lucette, il la palpait, la pétrissait. Par moment il se penchait vers elle, lui donnait de silencieux baisers, dans le cou, dans les cheveux. Elle se laissait faire, émue, docile, heureuse.

Lucette jusqu’à ce jour n’avait guère hanté les cinémas, aussi ne perdait-elle rien des scènes dramatiques et passionnantes offertes à ses regards. M. Jojo au contraire se souciait peu du spectacle et continuait de mettre à profit l’obscurité pour harceler sa voisine de caresses indiscrètes. Elle s’en défendait faiblement, protestait avec mollesse.

— Chut, voyons, soyez sage, on peut nous voir…

Après un court entr’acte, l’annonce d’un nouveau drame aviva l’attention d’un public avide de sensations autant que peu exigeant quant à leur qualité.

— C’est tout d’ même épatant l’ cinéma, dit M. Jojo, y a pas besoin d’ réfléchir, d’ penser à quéq’ chose, y a qu’à r’garder…

Une bouffonnerie terminait la soirée.

Au milieu d’une piétinante cohue, lentement écoulée, Beau-Môme et Lucette sortirent du cinéma, s’en furent dans la paix du faubourg nocturne. Place de la Nation, M. Jojo montra d’un geste la terrasse d’un café-bar.

— On prend quéq’ chose, hein !… Quéq’ chose de chaud, ça n’ fait jamais d’ mal ?…

Elle sembla hésiter un instant, mais ne dit rien et le suivit. Ils s’assirent côte à côte, un garçon s’approcha, maussade, l’air assoupi.

— Qu’est-c’ qu’on prend, un café ?… L’ soir, c’est pas c’ qu’y a d’ mieux pour dormir, tiens, un punch…

Il fut apporté fumant, dans des verres où baignait une rondelle de citron. Ils humèrent la spiritueuse liqueur.

— Ça réconforte, proclama M. Jojo, ça donne chaud dans l’ buffet, c’est tout c’ qu’y a d’ bon… On en prend un autre…

Elle se récria timidement.

— J’ n’ vas plus voir l’escalier pour monter dans ma chambre.

Mais il n’en tint compte, demanda une autre tournée. Lucette à menues gorgées vidait son verre. L’arôme alcoo-