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ment ricaneurs. Elle se coula parmi les groupes, gagna l’escalier, s’en fut. Elle n’avait pas fait vingt pas dans la rue Basfroi qu’elle entendit derrière elle des pas précipités. Elle se trouvait au coin d’un passage d’assez sinistre aspect. Un réverbère y éclairait de sordides boutiques closes, les murs lépreux d’antiques bâtisses, le drapeau de tôle à demi rouillé d’un lavoir, un égout où se déversaient les eaux d’un caniveau putride. Un chien aboyait quelque part dans l’ombre et Nini se sentit gagnée par la peur. Mémaine la rejoignait.

— Dis, cavale pas si vite, la gosse, j’ai quéqu’ chose à t’ dire.

— À moi ? fit Nini essayant de montrer une fausse assurance, vous vous trompez, j’ vous connais pas…

Mémaine sournoisement la poussait dans le passage.

— Tu m’ connais pas ?… repartit-elle, violente et tutoyeuse, tu m’ connais pas ?… Et Jojo ?… tu l’ connais pas, des fois ? ben c’est mon homme… C’est peut-être ta spécialité d’ chauffer leurs types aux bonn’femmes, mais avec moi, ça n’a rien à faire, je vas te l’ faire voir…

— Elle a la trouille, glapit Mélie, purge-là, Mémaine, c’te salop’rie.

Deux gifles claquèrent. Avec un cri de douleur et de rage, Nini bondit les ongles en avant. Mais son élan fut vain, la forte blanchisseuse la saisit, la terrassa en un instant. Autour des combattantes se formait déjà un cercle de passants attardés, des filles, des voyous excités par le brutal spectacle.

Nini s’était relevée sur les genoux, son adversaire l’y maintint courbée. D’un geste brusque, elle lui retroussa sa jupe jusqu’aux reins, arracha son pantalon, rejeta la chemise. Les fesses de la fille apparurent, larges, rondes, pleines, blanches et sous les regards lubriques, parmi les rires gras des hommes, les cris aigus, hystériques des femmes, d’une main vengeresse, Mémaine fessa sa rivale vaincue.

Cela dura quelques secondes, puis le supplice prit fin, Nini se releva et s’enfuit, sanglotante, éperdue de honte. Mémaine à son tour, écarta sans un mot les gens qui l’entouraient, s’en alla par les rues nocturnes.

Énervée, elle marchait vite ; en vingt minutes, d’une traite, elle atteignit la rue des Orteaux.

M. Jojo était rentré chez lui, en proie à l’humeur la plus sombre. Ayant rejeté son veston sur le dossier d’une chaise, il se débarrassa de ses chaussures, s’allongea sur son lit, grilla une cigarette et revécut mentalement les incidents de la soirée.

— Pour un sale coup, c’est un sale coup, songeait-il, mais y a pas à s’épater, ça d’vait arriver… La môme Nini n’était