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— Voilà, exposa M. Charlot, y a Mémaine qui t’cherche… Je viens d’la voir rue d’la Roquette avec deux autres poules, elle s’amène par ici et elle a p’utôt l’air à r’saut, tu peux m’croire… J’ai cavalé en vitesse pour t’avertir, t’as que l’temps de t’barrer avant qu’elle te tombe su’ l’ poil…

— Nom de Dieu, je l’ sentais… déplora Beau-Môme avec un geste de colère, Ah ! la barbe, la barbe !…

M. Charlot s’approcha de la porte, jeta un coup d’œil dans la rue.

— Pet ! la v’là, t’as pas l’temps d’ sortir, carre-toi dans les gogues ; quand elle s’ra dans l’ guinche tu t’ débineras…

Non loin d’une cuisine étroite, un réduit obscur exhalait la puanteur immonde des latrines, M. Jojo s’y réfugia, tira la porte sur lui, se tint coi dans les ténèbres empestées.

Il ouït un bruit de pas pressés sur le carreau de la salle, Mémaine entrait chez le bistro ; Titine et Mélie qui la suivaient riaient tout bas, en échangeant des coups de coude.

Toutes trois descendirent dans le bal ; alors M. Jojo surgit de son refuge, gagna la porte sur la pointe des pieds, et disparut.

Mémaine parcourut le bal d’un rapide regard sans apercevoir son volage amant. Par contre, elle découvrit immédiatement M. Charlot qui la regardait en souriant d’un air idiot. Elle tourna sa colère contre lui.

— Comment, t’es là ?… T’as fait vite, y a pas cinq minutes que j’t’ai vu rue d’la roquette… Et Jojo, où qu’il est ?… Salaud ! c’est toi qui lui as dit qu’ j’arrivais pour qu’i s’en joue un air…

— Moi ? protesta l’interpellé, j’ l’ai même pas vu…

À ce moment, Mélie glissant son bras sous le bras de Mémaine, lui chuchota quelques mots à l’oreille en lui désignant Nini d’un coup d’œil.

— Ah ! c’est celle-là ! s’exclama Mémaine haineuse. Pâle, les poings serrés, elle toisa sa rivale, prête à s’élancer. Dans un coin du bal, un robuste sergent de ville causait avec un citoyen aux larges épaules, à l’épaisse moustache noire, vêtu d’un sombre pardessus et coiffé d’un melon. À leur vue, Mémaine sentit sa fureur hésiter.

— Hé, souffla Titine, tiens-toi peinarde, c’est pas l’ moment, tu vois pas les flics ?…

Nini cependant, d’abord surprise de ne point voir revenir M. Jojo, avait aisément deviné dès l’entrée de Ménaine, quel motif avait déterminé la leste disparition du jeune homme. Triste et indignée, elle n’eut plus que le désir de s’en aller, de fuir ce grossier bal faubourien, où ses yeux ne rencontraient que des regards hostiles, narquois ou bête-