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— L’soir, vous pouvez sortir ?…

Elle hésita :

— Mon Dieu, oui… i’n’y a rien qui m’empêche… quoique, dans la maison ça peut faire causer… si la concierge s’aperçoit… C’est vrai qu’i’a d’autres bonnes que moi qui sortent… moi, ça serait bien la première fois, par exemple… et j’en connais qui partent tous les soirs… Et puis après tout, je n’ dois rien à personne…

Elle lui confia qu’elle ne couchait pas dans l’appartement de ses maîtres, mais dans une mansarde au septième étage. Ce détail le rendit songeur. Ils convinrent d’un rendez-vous pour le lendemain soir et elle offrit son visage au baiser du jeune homme.

Puis elle s’enfuit, alerte, sans souci des reproches aigres dont Madame allait l’abreuver tout à l’heure en raison du temps qu’elle avait perdu. Elle dirigea ses pas pressés vers la rue Fabre-d’Églantine, balançant contre son tablier blanc son filet bourré de provisions, l’âme ensoleillée, son simple esprit voguant d’un essor éperdu sur le lac bleu des rêves enchanteurs…


iv


Dans l’atelier à la chaude et moite atmosphère d’étuve, Mémaine depuis le matin peinait, sur la tâche que lui imposait quotidiennement le besoin de vivre. Les heures s’écoulaient avec une décourageante lenteur et la jeune femme travaillait sans goût, maussade au milieu des copines blagueuses qui l’observaient.

— B’en quoi, Mémaine, fit Titine avec la sollicitude d’une bonne âme, qu’est-c’que t’as ? tu dis rien, t’as l’air triste.

— Comme un enterr’ment de pauvre bougre un jour d’p’uie… ajouta Mélie, satisfaite de son mot.

— Hein ?… qu’est-ce que t’as…

— Rien, je m’barbe, j’sais pas pourquoi, j’ai l’cafard…

Rosse jusqu’à la cruauté, sous l’aspect le plus innocent, Mélie sourit avec ambiguïté.

— Laisse donc, Titine, j’sais bien pourquoi qu’elle a l’cafard, c’est depuis qu’son chéri lui fait des queues…

Mémaine eut l’impression d’un coup d’épingle, ses traits se durcirent, elle interrogea du regard la médisante fille au sourire équivoque.

— Des queues ?… depuis quand ?… Avec toi, peut-être, hé, hystérique,