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Sur ces entrefaites, une horloge tinta douze fois.

— Mince, midi… fit Georgette. Vrai, j’suis tout d’mêm’ couleuvre… Ça fait rien, j’la saute et toi, môme ?… Quiens je m’lève…

Elle s’assit dans son lit, se gratta la tête.

— Y a pas, j’ai la cosse, c’est pas d’blague… Zut, tant pire j’teste au plum’… Dis mon gosse, si t’étais gentil, si qu’ça t’f’rait rien d’descendre, tu dirais au larbin qu’i m’ prenne deux portions d’ que’g’ chose au bistrot d’à côté… Puis un légume, un dessert… enfin qu’i voye… qu’i monte aussi une bouteille d’ bouché… I n’a qu’à dire que c’est pour Madam’ Georgette, la grosse…

— Ça colle…

M. Jojo sortit et revint après quelques instants.

— T’as rien oublié… fit Georgette, tu i’as dit qu’i’ s’ dégrouille…

— Mais oui… mais oui…

Quelques minutes s’écoulèrent, puis le garçon entra une bouteille sous un bras, un pain sous l’autre, les mains chargées d’assiettes où fumaient des ragoûts. Il crut devoir manifester finement sa surprise de ce que la locataire était encore au lit.

— Ben quoi, la petit’ mère, on se lèv’ p’us…

La repartie de Georgette, encore que polie, fit entendre au bavard qu’on souhaitait qu’il ne s’éternisât point.

M, Jojo approcha la table du lit, disposa dessus tout ce qu’avait apporté le larbin.

Ils mangèrent, tête à tête, des mets de gargote arrosés d’un bourgogne de troquet.

— À part ça, fit Beau-Môme pour dire quelque chose, les affaires, ça va ?…

Elle ne dit ni oui ni non. Sans doute, ça allait toujours bien un peu, mais sans excès. Elle déplora la rigueur des temps.

— Ah ! mon p’tit, c’est p’us comme autr’fois, l’méquier a perdu, c’est rien de l’dire… Aujourd’hui, l’michet est rosse, rapiat, insolent, tout quoi… Il s’f’rait écorcher pour cent sous, faut voir ça, non, c’est marrant… T’as des petits jeun’s gens que ça tient pas d’bout, ben i’voudraient nous la faire… J’sais pas, i’croyent d’nous épater, ma parole, en faisant les mariol’s, les typ’affranchis… Y en a qui vous font du boniment, y en a d’autres qui parlent de vous mett’ des baff’s… I’ croyent qu’c’est arrivé ; c’est comme je te l’dis, y a d’quoi rigoler… Ce qu’y a’ cor’ed’bon, c’est les étrangers, les Englishs. Y en aurait beaucoup, qu’on gagn’rait sa vie… Et chics, pas r’naudeurs, tu parles des bath types… À part ça, qué’sal’ boulot ça d’vient…