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Connurent la douleur, l’esclavage et la haine.
Les anges gémissaient sur la misère humaine
Et venaient protéger les faibles. Moi, j’errais
À travers les sentiers tortueux des forêts,
Où la liane pend en nœuds inextricables.
Sous les cèdres, sous les palmiers, sous les érables,
Je détournais le bras levé de l’ennemi,
Prêt à frapper l’enfant sur la mousse endormi,
Ou bien je délivrais l’esclave de ses chaînes.

Un soir, près d’un ruisseau bruissant sous les chênes,
J’aperçus Daïdha, dormant son pur sommeil.
Cette fille de l’homme, au front jeune et vermeil,
Était si belle ainsi, reposant innocente
Sur ce tapis de fleurs, comme une fleur vivante ;
Quand elle s’éveilla, son sourire et sa voix
Me parurent si doux et si purs à la fois,
Que j’oubliai soudain les sphères éternelles.
L’amour remplit mon être et je perdis mes ailes.

daïdha

Oh ! comme Daïdha t’aimait ! Mais notre amour
Maudit par le Seigneur, hélas ! n’eut qu’un beau jour.
Je parcours le chemin de nos longues misères.
Je te revois sanglant, enchaîné par mes frères ;
Pour garder leurs troupeaux exilé sur les monts,
Seul, cherchant un abri dans les antres profonds.
Je vois nos deux enfants découverts sur la mousse ;
Ton effroi, la tribu qui crie et se courrouce
En demandant leur mort ; mes frères irrités,
Après avoir lié tes bras ensanglantés,
Féroces, te jeter dans les eaux écumantes ;
Ton retour, ta victoire et les heures charmantes
De liberté, de calme et d’amour dans les bois,
Lorsque nous fûmes seuls pour la première fois ;
Puis l’aigle qui ravit nos enfants ; notre marche
À travers les rochers aigus ; le patriarche
Radieux dans sa grotte, et couvrant de baisers
Nos deux fils qu’à ses pieds l’aigle avait déposés ;
Enfin, notre séjour chez les peuples qu’opprime
Nemphed, géant plongé dans la honte et le crime,