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D'vn fantasque chagrin, la tenoit oppressée,
Quand ie sors du logis sous cet humeur réduit,
Et m'en vay vagabond où mon pié me conduit.
   Ie trouue vne fontaine au pié d’vne coline,
Qui faisoit vn serpent de son onde argentine,
Elle sur le sablon doucement gazouillant,
Alloit, ses plis crespez l’vn sur l’autre roullant,
Se glisser dessous l'herbe au milieu d'vne prée
Que la nature auoit par plaisir diaprée.
   Vn chêne s'éleuoit dont les rameaux épais
Sous leur ombre en tout tenps couuent vn petit frais :
Car tousiours en ces lieux l’haleine de Zephire
Amoureuse des fleurs mignardement soupire,
Vne fueille qui touche à l’autre doucement,
Retouche vne autre fueille, & par ce mouuement
L’air étant ébranlé se presse & represse,
Et fait naître à l’entour vne douce mollesse.
   Les oyseaux y prenans leurs plaisirs innocens,
A ce petit murmure accordoient leurs accens,
Au pied de ce grand chêne vn tertre qui se pousse
Me fit vn petit lit frisé d’vn bord de mousse ;
Là ie me couche à l’ombre; et malgré le soleil
L’ombre appelle à mes yeux les douceurs du sommeil:
Mais helas! le soucy qui iusqu’au cœur me touche,
Pour ne fermer mes yeux me fit ouurir la bouche,
Et le fâcheux ennuy qui troubloit mon repos
Entretint ma colère auecque ce propos.