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l’autre ? Où Caïn avait-il puisé le germe d’envie qui le poussa au meurtre d’Abel, et celui-ci la foncière douceur, dont la tradition le gratifie ? Comment leurs parents, ni pires ni meilleurs l’un que l’autre, tous deux pourvus de qualités morales, sinon pareilles, du moins équivalentes, au sortir des mains du Créateur ont-ils pu leur en communiquer d’exactement opposées de part et d’autre ? Cette difficulté incline l’esprit vers quelque hypothèse moins incompatible avec le fait admis de l’hérédité, vers le darwinisme, par exemple, qui fait sortir l’espèce humaine d’un très petit nombre d’organismes initiaux par, transformation progressive de plusieurs types intermédiaires représentés actuellement encore, paraît-il, dans l’évolution du fœtus humain. On conçoit, en effet, que la lutte pour la vie, avec ses différentes péripéties selon les milieux, ait déterminé les caractères spécifiques, tant moraux que physiques des nombreux ancêtres de l’homme et que la diversité de ces caractères persiste et s’accuse jusque dans les