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Un moraliste prudent, devrait donc, pour ne pas être mal jugé, je veux dire pour ne pas être jugé en mal, ne décrire que des sentiments généreux, ceux dont il serait heureux de se parer ; il devrait fermer les yeux à tous les instincts bas ou risibles qui dérivent trop souvent de l’amour de soi, et ne voir que l’élan sans calcul qui nous fait du dévouement et du sacrifice un besoin et un bonheur, étincelle divine qui illumine l’âme, reflet et signe de son origine immortelle.

Malheureusement ces sentiments élevés et nobles qui sont notre honneur et qui se révèlent parfois même dans les natures les plus basses, ne sont pas les seuls qui animent les hommes ; ne peindre que ceux-là serait faire un tableau aussi infidèle que celui qui se plairait à représenter exclusivement les côtés ingrats de l’humanité. Quand on étudie le cœur humain il faut se résigner à voir ce qui est mal, comme ce qui est bien, comme ce qui n’est ni mal, ni bien, et à dire la vérité telle qu’on la vit.