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l’abdiquer, comme le chrétien, tout en faisant son salut, c’est-à-dire en poursuivant son propre bonheur, ne s’en dévoue pas moins à celui d’autrui par la pratique de la charité. En cela il n’admet pas plus l’irresponsable nécessité de Spinoza qu’il n’adopte le calomniateur pessimisme de La Rochefoucauld. Sa critique est équilibrée par une analyse plus complète des facteurs de nos déterminations. Il ne nous refuse pas le pouvoir de commence par nous sacrifier à autrui, fût-ce en vue de notre plus grand avantage ultérieur, et Ge sacrifice ne paraîtra pas illusoire, si l’on reconnaît com bien il en coûte même au chrétien le plus convaincu de partager présentement son manteau avec son prochain, malgré la certitude d’y gagner un paradis futur.

Ainsi chez M. Marbeau le moraliste n’est ni adulateur ni contempteur de la nature humaine ; il en signale les faiblesses, les propensions au mal sans en contester les aptitudes au bien. Il jouit, à vrai dire, visiblement de n’être pas dupe des faux-semblants qui cou-