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une sensible différence s’est accusée, dans chaque peuple, entre tel de ses caractères moraux à une époque et ce même caractère à une autre époque éloignée de la première. Par exemple, l’avarice, cette forme de l’égoïsme par laquelle on amasse pour soi seul de peur de manquer, s’est longtemps manifestée à l’observateur, par le besoin et le geste d’en fouir, mais depuis que la richesse n’est plus seulement, représentée par la monnaie métallique, depuis qu’elle l’est surtout par des valeurs fiduciaires en circulation, les manières d’être, les mœurs de l’avare ont changé. De même la politesse en s’affinant a multiplié les modes de la dissimulation, en a créé d’inoffensifs et d’utiles. Combien encore les manifestations de l’amour se sont modifiées sous l’action des loi qui en ont réfréné et par suite altéré, faussé les élans ? En outre, à une même époque, l’inégalité des conditions chez un peuple crée, pour les mêmes vices ou les mêmes travers, des différences d’aspect spéciales aussi, qui dérivent, comme cette iné-