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le charme de l’histoire

de peine à deviner qu’il avait été faire une visite à Mme de Pompadour. Une seule conversation d’une amie, intéressée à sa conservation plus que personne du royaume, avait guéri son esprit plus malade que tout le reste» (I. p. 187 et 188).

Ce fut donc à l’influence morale de sa maîtresse que, dans cette circonstance, Louis XV dût le rétablissement de sa santé.

Il paraît qu’à d’autres points de vue encore il était utile au bien de l’État que le roi eût une maîtresse. Après la mort de la Pompadour[1], la grande préoccupation de la Cour fut de savoir qui lui succéderait ; l’idée qu’elle ne serait pas remplacée ne venait à l’esprit de personne, et ce n’était pas aux plaisirs du roi que l’on pensait, mais au fonctionnement de la machine gouvernementale. « Chacun sentait, dit Dufort, qu’il était impossible qu’il n’y eût pas un intermédiaire entre le pouvoir suprême et les ministres. Une femme accorte,

  1. Dufort, sur le témoignage de son ami Champlost, attribue à Louis XV, à l’occasion de la mort de Mme de Pompadour, un langage bien différent de celui que lui prête la légende. Le convoi funèbre quitta Versailles à six heures du soir. « Le roi, dit Dufort, prend Champlost par le bras, lui fait fermer la porte de son cabinet, et se met avec lui en dehors sur le balcon. Il garde un silence religieux, voit le convoi enfiler l’avenue, et malgré le mauvais temps et l’injure de l’air auxquels il paraissait insensible, il le suit des yeux jusqu’à ce qu’il perde de vue tout l’enterrement. Il rentre alors, deux grosses larmes coulaient encore le long de ses joues, et il ne dit à Champlost que ce peu de mots : « Voilà les seuls devoirs que j’aie pu lui rendre » (1. 324).