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dufort de cheverny

coucher, dit Dufort, enfermé entre ses quatre rideaux, n’ouvrant la bouche que pour demander des choses indifférentes », et ce ne fut pas seulement pour sa petite blessure qu’il fallut le soigner.

« C’est une grande cérémonie, raconte à cette occasion notre auteur, que le bouillon qu’on donne à un roi malade. Toutes les trois heures, il arrive à l’heure dite ; il est déposé sur la table de marbre, gardé par le maître d’hôtel, goûté par l’échanson et le médecin. L’huissier annonce le bouillon du roi ; on ouvre la porte de la chambre ; ceux qui sont dans le cabinet le suivent ; le premier médecin, le premier gentilhomme se trouvent dans la chambre. Nous suivîmes ; le roi était couché dans ses doubles rideaux, la chambre fort éclairée le lit fort noir. Nous ne vîmes que son bras qu’il avança ; il n’ouvrit pas la bouche, et l’huissier de dire : « Messieurs, retirez-vous… »

…« La première fois que nous pûmes le voir, cette superbe tête d’homme jeta sur nous un regard de chagrin ; il semblait qu’il voulût dire : « Regardez votre roi qu’un misérable a voulu assassiner, et qui est le plus malheureux de son royaume » (I. 181, 184).

Plus tard l’étiquette exigea que le roi reçût les ambassadeurs, pour se montrer à eux. « Tout le corps diplomatique s’y trouva ; le roi ne fit aucune