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le charme de l’histoire

de lui notre auteur : « L’âge où je l’ai connu me l’a fait voir comme un homme de tête et fort raisonnable, mais sujet à l’humeur, comme un prince mal élevé » (I. 110). — « Ôtez son éducation de prince, c’était un homme de grand sens et de mérite à tous égards. La justice était dans son cœur, et du moment qu’on rendait au prince du sang ce qu’il croyait lui être dû, il était le plus juste des humains » (I. 113).

Que l’on remarque ces derniers mots. Ils expliquent peut-être certains traits de cette époque où la plupart des grands pouvaient, dans leur conscience, éprouver, à des degrés divers, les mêmes sentiments que le Comte de Charolais ; ils expliquent certainement quelques-unes des excentricités de ce personnage qui, vivant en dehors des devoirs de son rang, devait être irrité contre l’ordre qu’il méconnaissait, et devait tenir plus âprement, parce qu’il pouvait toujours craindre qu’on ne fût tenté de les lui refuser, aux prérogatives auxquelles il avait droit par sa naissance sans en être digne par sa conduite. Dufort raconte à cet égard une anecdote assez plaisante dont il fut témoin. Il paraît que M. de Kaunitz se souciait peu de faire à ce prince déclassé la visite officielle que, comme ambassadeur, il devait à tous les princes du sang. Un jour pourtant le Comte de Charolais obtint que la visite enfin lui fût faite. « C’était, dit Dufort, à Fontainebleau, pendant un