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le charme de l’histoire

>> enfin d’un être en servitude. J’ai vu le duc de Luynes le père, qui passait pour écrire les anecdotes de toute la Cour, le duc de Saint-Aignan, de l’Académie française, le président Hénault, Moncrif .et tant d’autres, rétrécir leur esprit par une conversation si peu variée que je ne pouvais ni m’y faire, ni m’y fixer » (T. I, p. 73).

Voilà pour les courtisans. Pour les princes, il les juge sans aveuglement comme sans prévention. Il sait discerner leurs qualités naturelles derrière les défauts qui frappent le public ; mais loin d’être ébloui par leur grandeur, c’est elle, c’est ce qu’il appelle l’« éducation de prince », qu’il présente comme la cause, en même temps que l’excuse de leurs faiblesses. De nos jours, où sans doute cette éducation est différente de ce qu’elle était jadis, la reine de Roumanie a pu écrire avec vérité : « On élève les princes à vivre avec tout le monde ; que n’élève-t-on tout le monde comme les princes ! » Dufort, au contraire, s’il veut faire l’éloge de Mme  Adélaïde, fille aînée de Louis XV, dira d’elle : « Elle était raisonnable autant qu’une femme de n son rang peut l’être » (I. 182).

Il témoigne à diverses reprises une véritable affection pour deux personnages qui, dans l’histoire, ne sont rien moins que sympathiques : Louis XV et Charles de Bourbon, comte de Charolais. Mais voyons comment il les juge : « Louis XV, dans