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le charme de l’histoire

fice d’amour-propre aussi grand que nous nous le figurons aujourd’hui. Nul n’ignorait alors qu’il existait de très vieilles et quelquefois très hautes noblesses sans particule et sans titre, et Dufort, en racontant son refus, a bien soin d’ajouter : « Qu’il n’avait sujet de rougir d’aucun de ses ancêtres, qui, s’ils n’avaient pas été illustres, avaient au moins pour eux une filiation d’aïeux assez ancienne » (I, 67). Aujourd’hui, si la noblesse n’est plus une institution, elle est encore un souvenir et une élégance, et, en dépit de nos idées devenues égalitaires, nos mœurs, plus que jamais éprises de distinctions, y attachent un fort grand prix. Seulement, nous la connaissons moins bien ; le titre et la particule, qui en étaient jadis les compagnons habituels, qui en sont maintenant le seul signe visible, presque le seul privilège, nous en paraissent la condition essentielle, et ils ont pour nous autant d’importance qu’ils en avaient peu pour nos pères. Du reste, ces deux points de vue si différents ont produit les mêmes conséquences : autrefois, dans certaines circonstances, chacun prenait le titre qui lui plaisait, et l’on sait qu’il en est à peu près de même aujourd’hui.

La hiérarchie sociale n’en était pas établie moins solidement. Mais, précisément parce que les rangs étaient assez tranchés pour que l’on n’eût pas à craindre de les voir se confondre, il y avait entre