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le charme de l’histoire

Piron donne La Métromanie ; Rameau expose dans le Journal de Trévoux ses idées sur la musique, et, à la grande satisfaction de Dubuisson, trouve encore le temps de composer Castor et Pollux, puis Dardanus ; l’abbé Prévost, qui n’est plus ni jésuite, ni soldat, ni bénédictin, ni simple défroqué, n’a pas encore écrit Manon Lescaut, mais il déploie déjà sa fécondité merveilleuse ; il publie Cleveland et Le Doyen de Killerine, et il se fait des ennemis en traitant les questions littéraires dans ses Pour et Contre ; « il est de ceux, dit Dubuisson, à qui l’on souhaiterait qu’un peu plus d’opulence permit de travailler un peu plus leurs ouvrages ». Le marquis d’Argens, Crébillon fils, Destouches, La Chaussée, Louis Racine, Gentil Bernard, et jusqu’au bon Rollin qui, tout en s’efforçant de sauver l’Université menacée, achève patiemment volume par volume son Histoire ancienne, tous ces hommes auxquels la postérité, qui ne les lit plus guère, a assigné leur place définitive dans le mouvement littéraire et philosophique du xviiie siècle, tous passent devant nos yeux, vivant, travaillant, luttant.

Au milieu de ce monde bruyant s’agite Voltaire, qui déjà fait à lui seul plus de bruit que tous les autres. Il a donné Zaïre ; il fait représenter Alzire, en dépit de Piron, à qui on l’accuse d’en avoir volé le sujet, et de Lefranc de Pompignan, qui a voulu le lui voler à son tour ; pendant son séjour en Angle-