Page:Marbeau Le charme de l histoire 1902.djvu/385

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
379
du droit sur les documents historiques

abandonnant le manuscrit, a entendu lui abandonner également ses droits sur le texte ; puis que l’auteur a entendu le rendre seul juge de l’opportunité de la publication.

Nous arriverons à une conclusion semblable s’il s’agit d’un document intime et confidentiel que l’auteur destinait à rester ignoré du public. Que l’on réclame ou non pour le document la qualification de document historique, ce ne seront pas seulement les lois sur la propriété littéraire qu’il faudra consulter ; ce seront surtout les lois de droit commun, celles qui garantissent un principe plus important encore au point de vue social que la propriété de l’auteur sur son œuvre, le respect du domaine intime de la pensée et de la conscience de chaque citoyen.

Prenons pour exemple une lettre missive. Il est de principe que la lettre appartient à celui à qui elle a été adressée, et nul, pas même celui qui l’a écrite, ne peut la lui retirer. Mais le destinataire est présumé l’avoir reçue à titre confidentiel, et il n’a pas le droit de trahir la confidence, de livrer au public la pensée de son correspondant. Notre jurisprudence est formelle à cet égard ; elle se fonde moins sur le droit exclusif qui appartient à l’auteur de tirer un profit pécuniaire de la publication de la lettre, que sur une considération d’un ordre plus élevé, sur le droit qu’a tout homme de faire respec-