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la taxe des pauvres à abbeville

Que de prescriptions étranges et choquantes ont accompagné ou suivi l’établissement de la taxe à Abbeville ! Les étrangers n’ont plus la liberté d’aller et de venir, de s’établir dans la ville ou même de la traverser ; les habitants n’ont plus celle de suivre l’impulsion de leur cœur et de secourir les pauvres de leur choix ; les notables n’ont pas le droit de se soustraire aux fonctions de membres du bureau des pauvres ; les pauvres sont contraints de porter sur leur manche la marque de leur pauvreté. Des ateliers de charité, où est organisé une sorte de travail inutile, obligent les indigents secourus à faire semblant de gagner leur pain. Enfin, une taxe arbitraire, établie par des hommes dispensés de rendre compte, frappe tous les habitants d’après leur fortune présumée[1] !

Que de telles mesures soient prises exceptionnellement, au moment où éclate une grande cala-

  1. Il semble que ces conditions soient l’accompagnement inévitable de l’assistance obligatoire et de la taxe des pauvres. En Irlande, « chaque division électorale cherche à rejeter sur une autre, proche ou lointaine, les familles qu’elle risque d’avoir un jour à entretenir dans un Workhouse ou à assister à domicile ; de là, obstacle à l’établissement de nouveaux habitants, expulsion des tenanciers pauvres, refoulement de la population vers les villes ou vers l’étranger » (Jacques Flach, Le Gouvernement local en Irlande).
    En Allemagne, les lois de juin 1870 et de mars 1871 permettent aux communes d’interdire le séjour sur leur territoire aux nouveaux arrivants s’ils ne peuvent justifier de moyens d’existence et elles déclarent obligatoires les fonctions gratuites dans les établissements d’assistance.